[BUJUMBURA] Dans les marais Rwambura, en Commune Mutaho de la province Gitega, au Centre du pays, les chenilles légionnaires d’Automne ont dévoré une grande partie de plantations du riz.
Marc Nahimana de la zone Rwisabi que nous avons rencontré dans ces marais nous a expliqué que ces insectes ont ravagé ses champs rizicoles et de maïs détruisant une grande partie de ses champs, il y a presque un mois.

Cet agriculteur explique que les champs d’autres agriculteurs voisins ont connu le même sort : « Quand ce ravageur a attaqué nos champs, nous croyions que c’était un insecte comme les autres, nous pulvériserions des pesticides sur les chenilles légionnaires d’automne et la situation sera vite maîtrisée. Nous ne l’avons signalé ni au moniteur agricole, ni à la direction du Bureau Provincial de l’Environnement, de l’Agriculture et de l’Elevage (BPEAE). Cependant, il n’y a pas eu d’amélioration en pulvérisant des pesticides sur les chenilles légionnaires d’automne. Ces ravageurs continuaient à se multiplier comme si les pesticides n’ont pas pris. C’est là où nous avons compris qu’il faut approcher les moniteurs agricoles».

Dismas Nahimana, moniteur agricole, indique qu’ils ont appris par les agriculteurs que les chenilles légionnaires d’automne ont envahi leurs champs agricoles. Toutefois, c’était trop tard. Les ravageurs avaient déjà envahi une grande partie des champs agricoles , ajoute-t-il.
Adelin Niyonsaba, directeur du BPEAE Kayanza indique que les agriculteurs doivent toujours approcher les moniteurs agricoles et les informer à chaque fois qu’ils remarquent quelque chose d’anormal dans leurs champs.
Depuis le mois de Décembre 2022, une vague des chenilles légionnaires a envahi les champs rizicoles, de maïs et de haricots au Burundi.

D’après Aline Nizigiyimana, cultivatrice de maïs de la province Kayanza, les ravageurs vont réduire considérablement la production du riz, du maïs et d’autres cultures.
« En province Kayanza, au Nord du pays, plus de 1110 Hectares de riz et d’autres céréales, sont ravagés par les chenilles légionnaires d’automne.» Indique le Bureau provincial de l’Environnement, de l’Agriculture et de l’Elevage (BPEAE) de Kayanza.

La pyrale se propage à grande vitesse 

Notons que la chenille légionnaire d’automne a été signalée au Burundi pour la première fois, en 2016 en Province Cibitoke, province frontalière avec la RDC et située à l’Ouest du pays.
Cette pyrale se propage à grande vitesse. Selon l’expert Ir Désiré Niyomwungere, la pyrale peut parcourir plus de 100 km par nuit à l’état adulte en pondant des œufs sur les plantes, qui éclosent sous forme de larves et commencent à attaquer les plantes.

Sur le banc des accusés : les changements climatiques

D’après l’expert, Ir Désiré Niyomwungere et consultant de l’AUXFIN Burundi qui développe des solutions agricole digitales, c’est en s’approvisionnant en semences sélectionnées dans les pays voisins comme l’Ouganda, le Kenya, etc. que les chenilles légionnaires seraient importées au Burundi envahissant ainsi les champs agricoles.
Cependant, le changement climatique, que connaît le Burundi ces dernières années, qui retarde la saison culturale favorise la croissance et la propagation des chenilles légionnaires d’automne. Par exemple,cette saison culturale A de cette année a connu deux mois de retard. Elle a commencé en Novembre alors qu’elle devait démarrer en septembre. Or, c’est en Novembre que le ravageur, chenille légionnaire d’automne attaque les champs agricoles. D’où cette année beaucoup de provinces ont été attaquées par les ravageurs.

Cet expert recommande aux agriculteurs de semer tôt et de ne pas planter à intervalle échelonné, car la population de chenilles légionnaires d’automne se développe plus tard dans la saison culturale.
Ir Désiré ajoute cependant que le fait de déplacer les résidus de plantes infestés vers d’autres champs est un moyen de propagation du ravageur.

La chenille légionnaire dans une plantation de riz à Ngozi et à Kayanza

Pour contenir la propagation des chenilles légionnaires d’automne, cet expert suggère aux agriculteurs de pulvériser des insecticides le soir à partir de 16h, car ces ravageurs commencent à ravager les champs le soir.
Pulvériser les chenilles le matin est une perte de temps et de moyens, car en ce moment les ravageurs se cachent très loin dans le cornet du maïs et d’autres cultures où elles sont protégées, nous raconte l’expert.

Malheureusement, les agriculteurs pulvérisent des pesticides sur les chenilles légionnaires d’automne le matin. Ces insectes reviennent ravager les champs agricoles le soir quand les pesticides ne sont pas menaçants.
Cet expert a précisé que les chenilles légionnaires d’automnes s’attaquent à plus de 80 espèces de plantes.
L’expert appelle les agriculteurs à utiliser à bon escient les produits phytosanitaires pour empêcher ces ravageurs de se développer. Dans le cas contraire, tous les champs seront ravagés dans quelques jours.
Selon l’expert, si la population des chenilles légionnaires d’automne continue à se propager, la production agricole connaîtra une chute qui va jusqu’à 80 % dans la région où ces chenilles légionnaires ont ravagé.
Au cas où cette production connaîtrait une régression, c’est en premier lieu le petit agriculteur qui en pâtirait. Puisqu’il y laissera les coûts engagés. Par conséquent, il ne pourra pas couvrir les besoins fondamentaux dont payer les frais de scolarités, se faire soigner, se nourrir etc.

Le Burundi est un pays qui vit essentiellement de l’agriculture. L’Institut des Statistiques et d’Etudes Economiques du Burundi montre que 80% des burundais vivent de l’agriculture. Parmi les agriculteurs, environ 95% cultivent le maïs. Alors, si les produits de base comme le maïs, le riz, etc. sont attaqués, les prix des denrées alimentaires continueront à s’envoler.

C’est au moment où les prix des denrées alimentaires sont très élevés. Ils n’avaient jamais atteint ce pic.
Tandis qu’en Février 2022, un kilogramme de haricot coûtait 1400 FBu (0.7 USD) , en Février 2023, ce même kilogramme coûte 3200 FBu(1.57 USD) , soit presque trois fois en une année.
Aujourd’hui, nous sommes obligés d’acheter les haricots au marché alors qu’auparavant la récolte de haricots était satisfaisante, s’indigne Havyarimana.

Un kilogramme de riz est pour la toute première fois à 3500 FBu(1.72 USD) alors que pendant la même période en 2022, elle s’achetait entre 1800 FBu et 2000 FBu (1.00USD) ». Cette situation vaut également pour les prix du maïs. Un kilogramme de maïs coûte 2200, soit 1,1 USD alors qu’il coûtait 1000 FBu, soit 0,5 USD, il y a une année.
Imaginez alors ce que sera notre pays si la production agricole n’est pas bonne. En ce moment où on se parle, nous sommes pendant la récolte de haricot et de maïs, de riz, etc. Les prix des denrées alimentaires devraient baisser. Mais ce n’est pas le cas. Ils restent élevés. Ça veut dire que la production agricole n’est pas bonne, constate cet expert.
La Banque Centrale (Banque de la République du Burundi) indique que l’inflation des prix des denrées alimentaires au mois de Janvier a atteint 28,6 %.
Si les Burundais ne sont pas en mesure de s’approvisionner en denrées alimentaires, l’insécurité alimentaire s’installera parmi les burundais et régnera en maître.

Par Ferdinand Mbonihankuye et Arthur Bizimana

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