Même s’il faut aux femmes rurales des sacrifices énormes pour lancer leurs propres entreprises, celles de la COVAPAFE en commune Gashikanwa de la Province Ngozi ont relevé le défi en bossant dur comme le fer. Cependant, les institutions financières semblent hésiter encore à leur accorder des crédits financiers pour accroître leur activité économique.

La création de la Coopérative de Valorisation des Produits agricoles par les Femmes (COVAPAFE) date d’octobre 2016 avec l’approche Nawe Nuze de Care International Burundi, explique Goreth Nzoyisaba, vice-présidente de COVAPAFE. L’approche nawe nuze, fondée sur la création d’associations villageoises, encourageait les femmes à épargner et à s’emprunter mutuellement. Ces associations villageoises ont conduit peu à peu, par l’intermédiaire de Care International Burundi, à l’établissement des petites et moyennes entreprises. Parmi lesquelles, la COVAPAFE.

D’après la vice-présidente, 30 membres de COVAPAFE dont 28 femmes et 2 hommes ont suivi une formation dispensée par SACODE (Association pour la Promotion de Santé des Communautés) sur la transformation de la bouillie de soja, de haricot et de la farine de maïs torréfiée en octobre 2016.

Vite apprises, vite mises en pratiques.

Faute du temps pour les uns et des intérêts immédiats pour les autres, certains membres de COPAVAFE se sont retirés un à un et la coopérative est restée avec 20 membres, femmes battantes. Bien qu’au départ elles proposent des produits pratiquement inconnus comme la bouillie de haricot, plutôt une innovation, elles n’ont pas voulu se laisser faire.

 

« Au début, nous étions dans une période d’essai et nos produits étaient pratiquement inconnus des consommateurs. La production de la farine de haricot tournait autour de 90 kg par mois, celle de soja était de 150 kg et celle de maïs torréfiés était quant à elle de 100 kg par mois. » Commente Césarie Uwamariya, gérante et membre de la coopérative.

Pour pénétrer et conquérir le marché, il a fallu à COVAPAFE, une politique commerciale forte : « je me rendais aux boutiques et aux alimentations y acheter quelques articles pour établir les premiers contacts. Une fois cela fait, je revenais leur proposer nos produits avec un échantillon gratuit pour la dégustation.» Fait savoir Languide Nahimana, chargé de marketing au sein de COVAPAFE.

Après la mise en œuvre de cette stratégie, la coopérative s’est rendue compte que le stock de la bouillie de soja et de la farine de maïs torréfiée s’écoulait beaucoup plus que celui de haricot. Cela a poussé les membres de la coopérative à augmenter la production de la bouillie de soja et de la farine de maïs torréfiée afin de bien maîtriser le jeu du marché.

Pour elles, la production qui est faite en fonction du marché est très rentable par rapport à des ventes aléatoires. Le coût de production est maîtrisé tandis que les recettes sont garanties.

« Nous avons passé à 500 kg de bouillie de soja par mois et à 600Kg de la farine de maïs torréfiée par mois », ajoute la chargée marketing de la coopérative. Toutefois, la production n’est pas régulière toute l’année.

Au cours des mois d’Avril, de Mai et de Juin, la quantité de farine de maïs torréfiés diminue jusqu’à 200 kg par mois, car elle reste invendue suite à la proportionnalité de la période de haute saison de récolte du maïs.

Les femmes de la coopérative profitent cette période pour mettre au profit le moulin qu’elles possèdent pour moudre les récoltes des particuliers à 200 FBu le kg.

Trois ans de travail laborieux, les femmes membres de la coopérative ont déjà créé 4 emplois permanents et d’autres saisonniers, acheté une parcelle dans laquelle elles comptent ériger son siège. Elles comptent aussi implanter des points de ventes, car BBN leur a déjà fourni un certificat de conformité. Leurs produits portent une étiquette certifiée BBN.

Pour donc étendre leur projet, la COVAPAFE est à la quête de crédit depuis 2020 et ne cesse de toquer à pas mal d’institutions f i n a n c i è r e s pour financer l ’augmentation de la production, ouvrir des points de ventes en d’autres provinces, construire leur siège et acheter des terrains de productions de maïs, de soja, de haricot, car la coopérative désire produire elle-même la matière première nécessaire pour faire tourner la machine.

Toutefois, les institutions financières semblent fermer l’œil à leur requête. Ce qui confirme le défi auquel les femmes font souvent face, la méfiance des institutions financières au sujet des services financiers à l’égard des femmes en comparaison à celle des hommes.

A titre informatif, le taux d’inclusion financière des femmes est passé de 30.6% en 2013 à 28.3% en 2015 alors que celui des hommes est passé de 69.4% à 71.7% à la même période. Ces battantes ne se laissent pas faire. Elles continuent la lutte et épargnent le peu d’argent qu’elles gagnent pour arriver à leur objectif.

Des formations qui rapportent

Deux ans après la création de COVAPAFE, les membres ont bénéficié des renforcements de capacités dans la gestion des affaires et l’éducation financière dispensés par PARJE (Parc des Jeunes Entrepreneurs).

Grâce à ces formations, les femmes membres de la coopérative sont capables de s’organiser et de répartir les tâches en fonction des compétences de chacune, d’analyser si la coopérative est en train de réaliser des profits ou des pertes.

Les différentes formations acquises auprès des différentes organisations non gouvernementales ont été très complémentaires les uns par rapport aux autres et ont été très bénéfiques. Les connaissances techniques dans la gestion des projets ont fait que les femmes membres de la coopérative COVAPAFE soient conscientes de la part et du rôle de femme dans le développement économique du pays.

Ces braves femmes ont compris que non seulement le travail de la femme ne se limite pas à l’entreprise familiale et aux travaux de ménage mais qu’elle peut aussi occuper d’autres fonctions jugées masculines comme la transformation des produits alimentaires et le commerce. Elle peut aussi être élue comme leader de la société et peut assurer des fonctions administratives et politiques.

Les femmes de la coopérative COVAPAFE prônent l’autonomisation de la femme rurale et elles apportent une pierre à l’édifice de la société burundaise. Les produits qu’elles transforment contribuent à lutter contre la malnutrition.

C’est d’ailleurs pour cette raison que le Programme Alimentaire mondial leur a offert en don quelques machines-outils pour soutenir leurs activités qui viennent en aide à la population burundaise en général et celle de Ngozi en particulier et leur permettre à servir davantage au profit de la communauté.

Qu’en pensent leurs maris ?

A Gashikanwa, certains hommes ont compris le bien fondé des coopératives et accompagnent parfois leurs épouses pour ces nobles initiatives.

Jean Nkurikiye, époux de la vice-présidente de la COVAPAFE explique que la vie du foyer n’est pas uniquement axée sur l’homme mais aussi sur l’apport de la femme. Les deux peuvent exercer des métiers financièrement rentables et économiquement bénéfiques pour la famille et pour la communauté.

Il témoigne que les revenus et les avantages tirés de la coopérative leur ont permis de monter leur propre projet d’élevage des porcs. Il déplore le comportement de certains hommes qui refusent à leurs femmes de participer aux activités de développement.

Les conséquences se sont déjà observées dans le voisinage, où une fois que l’homme n’est plus à mesure de subvenir aux besoins familiaux pour une raison ou une autre, en cas de décès ou d’handicap physique, les femmes s’adonnent à des débauches sexuelles pour survivre.

        Par    Arthur Bizimana

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