Les Faidherbia albida qui se défeuillent entièrement au milieu des champs en hivernage pour permettre aux cultures d’être correctement nourries par les pluies et la lumière/Crédit Photo /Ferdinand Mbonihankuye

[Dakar] Depuis le 10 jusqu’au 16 octobre dernier, le Centre d’Etudes des Sciences et Techniques de l’Information (CESTI) a abrité une conférence des journalistes scientifiques francophones sur différents sujets dont l’agroforesterie et son intérêt pour combattre le changement climatique.

Au cinquième jour de l’atelier, nous nous sommes rendus dans la région Niakhar, une localité de l’ouest du Sénégal, à 150 km de la ville de Dakar pour découvrir l’agroforesterie où « Faidherbia albida », arbre refuge de l’agriculture sahélienne cousin de l’acacia, permet à nombre de cultures de prospérer et au bétail de se nourrir à la saison sèche.

« Pour y parvenir, dit Olivier Rouspard chercheur du Cirad( Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement) rencontré à IRD (Institut de recherche pour le développement) dans la commune de Niakhar, il a fallu une collaboration étroite entre les agriculteurs, les chercheurs et les autorités locales au cours des projets consécutifs financés par l’IRD et d’autres ONG dans la région où des pratiques agricoles non durables comme la monoculture du mil avaient maintenu des générations de personnes dans un cycle de dégradation des terres et de pauvreté. »

Révélant les bienfaits du Faidherbia « Faidherbia albida » en agroforesterie au Sénégal, Olivier Rouspard explique que cet arbre améliore le rendement des cultures, nourrit de ses feuilles les troupeaux du Sahel et s’érige en rempart à la désertification « C’est vraiment le parc agroforestier le plus emblématique d’Afrique subsaharienne », explique.

En quoi consiste l’agroforesterie?

Olivier Rouspard, chercheur du Cirad fait savoir que l’agroforesterie est un mode d’exploitation des terres agricoles associant des arbres et des cultures afin d’obtenir des produits ou services utiles à l’homme.

 Olivier Rouspard explique l’Ecophysiologie et diversité génétique de Faidherbia albida, un arbre à usages multiples d'Afrique semi-aride : fonctionnement hydrique et efficience d'utilisation de l'eau d'arbres adultes en parc agroforestier et de juvéniles en conditions semi-contrôlées Crédit Photo /Ferdinand Mbonihankuye
Olivier Rouspard explique l’Ecophysiologie et diversité génétique de Faidherbia albida, un arbre à usages multiples d’Afrique semi-aride  Crédit Photo /Ferdinand Mbonihankuye

 

D’après cet expert, ce qui fait de Faidherbia albida un cas d’école, c’est qu’il a un effet bénéfique sur le rendement de la plupart des cultures, même sous sa couronne.

 

 

 

Rendement 

Depuis que les agriculteurs, appuyés par l’IRD, associent  les Faidherbia albida et les cultures, la production a beaucoup augmenté.  Jusqu’à trois fois pour le mil, raconte Olivier Rouspard.

Kory Dionne, 68 ans, agriculteur au Niakhar témoigne que l’agroforesterie a boosté sa production: “avant cette approche, le rendement en mil oscillait en moyenne autour 200 kg et 250 kg /ha.   Toutefois, depuis qu’il a adopté l’agroforesterie, le rendement est passé de 650 à 800 kg/ha.

En améliorant les moyens de subsistance et en transformant la production agricole en économie de marché pour les populations locales en particulier les femmes, le chef de localité Samba Dia affirme que l’agroforesterie a contribué à la création d’emplois, à la sécurité alimentaire et à la restauration des ressources et des services écosystémiques.

Les fagots de mil au séchage dans les champs dans la région de Niakhar/Crédit Photo /Ferdinand Mbonihankuye
Les fagots de mil au séchage dans les champs dans la région de Niakhar/Crédit Photo /Ferdinand Mbonihankuye

Faidherbia albida est bénéfique pour les cultures parce qu’ils ont « une phénologie inversée : « il est feuillé en saison sèche quand il n’y a plus de cultures dans les champs et se défeuille entièrement.” explique Olivier Rouspard.

Pendant la saison sèche, lorsque Faidherbia albida est feuillé, il permet de nourrir les animaux grâce à son fourrage et à ses gousses très riches, justement quand la nourriture n’est plus disponible dans les pâturages. En plus, Faidherbia albida défèque sous ces arbres en enrichissant le sol, ce qui profiteront aux cultures au cycle suivant. 

Pendant la saison de pluie, en se défeuillant, il permet aux cultures d’être correctement nourries par les pluies et la lumière, précise ce chercheur.

L’agroforesterie une réponse aux défis posés par le changement climatique

L’agroforesterie a permis à la région de ralentir l’érosion parce qu’elle repose sur un cortège de solutions techniques adaptées à chaque territoire et à chaque culture, ajoute Olivier.

En plantant les arbres comme Faidherbia albida, nous réduisons l’impact du vent, nous protégeons le sol d’un ensoleillement excessif et nous développons la biodiversité, dixit Raphaël Belmin, un autre chercheur du Cirad en agroécologie.

Raphaël Belmin, chercheur au sein du Cirad en agroécologie/ Crédit Photo /Alice Girard-Bossé

L’objectif pour nous étant que l’eau s’infiltre mieux dans les sols ». Argumente Olivier Roupsard, expert en agroforesterie.  

Belmin fait savoir que l’agroforesterie et l’agroécologie sont liées.  Il souligne que l’agroécologie est reconnue au niveau international comme un levier puissant pour rendre l’agriculture plus durable et plus résiliente face au changement climatique.

 

 

 

Des bonnes raisons pour préserver les arbres

Les Faidherbia albida fournissent de l’ombrage, du fourrage et des fruits pour les animaux en saison sèche grâce à leur cycle inversé. Ils remontent de l’eau et des éléments minéraux profonds en surface, indique Olivier Rouspard.

D’après Olivier, les Faidherbia albida ont amélioré le microclimat en abaissant la température du sol et en rafraîchissant l’air grâce à leur transpiration. 

Ce chercheur n’a pas manqué de préciser que les Faidherbia fournissent du bois domestique et abritent de la faune, comme les oiseaux prédateurs des ravageurs des cultures.

 Les arbres sont les garants de la stabilité du système. Ils altèrent la roche en profondeur et remontent des éléments minéraux utiles à la surface. » déclare Olivier Rouspard.

Pourtant, les défis restent. Ceux de maintenir les arbres dans un contexte d’intensification agricole qui a tendance à les ignorer voire à les éliminer. Or, perdre les arbres c’est rendre le microclimat local insupportable pour la vie en général, appauvrir les sols, augmenter l’érosion, réduire l’infiltration des eaux et provoquer des inondations. Globalement, c’est ruiner la fertilité du système et le rendre stérile à moyen terme.

 

Ferdinand Mbonihankuye

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