Bien que la demande en eau augmente à vitesse V, la production d’eau de la REGIDESO est restée presque la même en Mairie de Bujumbura comme en province depuis environ 20 ans. Marqueur de vie et d’hygiène, l’eau potable est un moteur de la vie quotidienne. Elle est cependant une denrée rare et les burundais sont condamnés à consommer l’eau de la rivière.

Queue de bidons s’étendant à perte de vue au quartier Kajiji, en zone kanyosha, commune Muha ce samedi 02 Septembre au sud de la ville de Bujumbura. Sur le visage des femmes et enfants attendant de l’eau se lit  la lassitude.

La file n’est pas très longue aujourd’hui, car le tank à eau s’est brisé, témoigne Pascasie Misago avec amertume.  En temps normal, nous nous réveillons à l’aube pour prendre les devants et puiser de l’eau avant les autres lorsqu’ils alimentent les robinets en eau potable, déclare-t-elle.

Queue de bidon attendant de l’eau à Kajiji, zone Kanyosha, Commune Mukaza, Bujumbura Mairie. Credit photo: Arthur BIZIMANA 

L’alimentation des robinets publics en eau débute souvent à midi. Après deux heures, elle tarit. Ici, personne n’excède deux bidons de 20 litres et on laisse les autres puiser de l’eau, fait savoir Pascasie. 

Dans ce quartier, l’eau du robinet est une denrée rare. Dans les ménages, les robinets sont bien à sec depuis longtemps.

« Regardez bien ! Dans tous ces ménages, il y a des robinets. La dernière fois, nous avons vu nos robinets alimentés en eau, c’était en Mars, dit Nzeyimana. Et Misago d’ajouter : ici, il y a plus d’une année, l’eau de la Regideso a tari. »

Pour compenser la pénurie d’eau du robinet, les habitants du quartier Kajiji puisent de l’eau dans la rivière Kizingwe : « Elle est utilisée pour faire la cuisson et d’autres activités ménagères connexes. » explique Pascasie Misago.

Christine Dushime puisant de l’eau avec un gobelet dans la rivière Kizingwe ce 02 Septembre 2023.  Credit photo: Arthur BIZIMANA

Cependant, les ressources en eau, dans cette rivière, sont en cours de tarissement : nous nous sommes réveillés très tôt pour y chercher de l’eau, mais en vain. Ces sources sont en train de tarir. Nous pouvons y passer environ deux heures pour un bidon. Même à la rivière, on fait la queue» révèle Misago.

A Kajiji, ils peuvent passer trois jours sans prendre une douche : « Même si on parcourt parfois des milliers de kilomètres, on n’hésite pas à dormir comme ça alors que la sueur nous passait çà et là toute la journée. Que faire ? Nous n’y pouvons rien. Il faut vraiment que la REGIDESO nous approvisionne en eau potable sinon les maladies hydriques telles que le choléra et la dysenterie bacillaire vont bientôt nous attraper. » A-t-il déclaré

Les bicyclistes en tirent l’épingle du jeu. Ils puisent des bidons d’eau dans d’autres quartiers et les vendent à prix d’or à Kajiji. Le prix d’un bidon s’élève à 1000Fbu. 

Un bicyclette vendant de l’eau au quartier Kajiji, zone Kanyosha, Commune Muha, Bujumbura Mairie ce samedi 02 Septembre 2023. Credit photo: Arthur BIZIMANA

Etienne, locataire, songe à déménager: « J’ai loué le logement dans ce quartier, car c’est proche de ma province natale. C’est facile de transporter les provisions de l’intérieur vers ici. Le statuquo oblige, je vais déménager dans les quartiers bien nantis en eau potable. »

 « J’utilise au moins quatre bidons d’eau potable par jour. Ces bidons d’eau me coûtent environ 4000 Fbu avant qu’il s’ajoute d’autres factures des denrées alimentaires dont les prix grossissent du jour au lendemain alors que le salaire reste maigre. »Étale Etienne. La carence d’eau vient enfoncer le clou dans le marteau, constate-t-il.

A l’heure actuelle, nous consommons, en un seul jour, l’équivalent de la facture d’eau de Regideso de tout un mois en temps normal.” observe Etienne. 

Ernest, habitant du quartier Kajiji ne comprend pas comment la ville de Bujumbura, riveraine du lac Tanganyika, peut se retrouver en carence d’eau sur une longue période comme celle-là. Regideso devrait nous expliquer où réside le problème. Nous sommes prêts à coopérer pour trouver la solution à ce problème, poursuit-il. 

En raison de la pénurie d’eau, nous raconte Evelyne qui tient une pâtisserie à Kajiji,  nous n’avons pas nettoyé les ustensiles de cuisine. En conséquence, les mouches pullulent sur les tables et s’arrêtent tout le temps sur nos clients dans notre pâtisserie, ce qui fait fuir notre clientèle. Ces mouches poursuivent l’odeur des restes du lait, ajoute-t-elle.    

Des rondes s’organisent pour l’eau

Pendant la saison sèche, la pénurie d’eau se pose un peu partout dans les quartiers de la ville de Bujumbura. Au nord de la ville, en quartier Gasenyi,  zone Gihosha et commune Ntahangwa, une semaine peut s’écouler sans que l’eau de la Regideso arrive dans les robinets.

Quand l’eau arrive, c’est souvent la nuit: « Nous organisons des tours de rondes pour surveiller l’arrivée d’eau dans nos robinets, car l’approvisionnement ne dure pas longtemps. Aussitôt qu’elle vient, il faut en faire des stocks avant qu’elle ne tarisse.  Elle tarit souvent à 5h du matin. » Explique Elias.

Des grands réservoirs d’eau qui peuvent stocker de l’eau jusqu’ à 200 litres sont achetés pour s’habituer au rythme de l’approvisionnement en eau de la REGIDESO. Elias a déclaré à nos micros qu’il a une capacité de stockage d’eau d’environ 1000 litres. Ce n’est pas suffisant pour tenir toute une semaine. En temps des crises d’eau comme ceux-ci dont nous vivons cependant, faire des économies d’eau devient une loi, ajoute-t-il.  

A Mutanga Nord, quartier du Nord de la ville de Bujumbura, ce sont les hommes qui cherchent de l’eau: « En temps de crise, ce sont les hommes qui puisent de l’eau, car la recherche d’eau n’est pas à l’heure actuelle un jeu d’enfant. » Dit notre interlocuteur en souriant. D’habitude, ce sont les femmes et les enfants qui puisent de l’eau au Burundi.

Et si les Burundais consommaient encore l’eau de rivière ?

Dans ce pays d’Afrique Central, les statistiques montrent que le nombre de personnes consommant l’eau du robinet est passé de 15,6% en 2001 à 38,2% en 2020 en tandis que le taux de personnes consommant de l’eau de rivière a diminué passant de 14,8% à 3,5% sur la même période. (Graphique)

 

 

Même si les consommateurs d’eau de rivière ont diminué, ils s’observent encore en Mairie de Bujumbura et à l’intérieur du pays. A côte de la rivière kanyosha, plus de deux semaines peuvent s’écouler sans qu’ils  s’aperçoivent de l’eau du robinet, révèle Mbonyingingo.

« Nous avons alors recours à la rivière Kanyosha. Elle est juste à côté de nous. Or, il y a ceux qui défèquent et urinent dans cette rivière. Sans parler des déchets ménagers et plastiques qui y sont jetés. Notre santé est en jeu. Pour l’intérêt de la santé publique, Regideso devrait prendre en main la question de l’eau et nous approvisionner en eau potable. » Indique Mbonyingingo.

En cas de pénurie d’eau de la Regideso dans les ménages de la capitale politique, les habitants de la ville Gitega, des quartiers Magarama et Yoba puisent de l’eau des rivières : « nous préférons plutôt puiser de l’eau des rivières que faire la file indienne de plus de 4 heures. Elle est utilisée pour la cuisson des aliments et d’autres activités ménagères connexes.».

A kagwema, en commune Gihanga, province Bubanza, la population  se lave et puise  de l’eau dans la rivière Rusizi ce Mercredi 30 Août.

Les habitants de Kagwema, en commune Gihanga et Province Bubanza, au Nord-Ouest du Burundi se lavant et puisant de l’eau dans la rivière Rusizi ce 30 Août 2023. Credit photo: Arthur BIZIMANA

Le chef de secteur Kagwema, Ndayizeye Melance indique:

les habitants de kagwema I, Kagwema II  et Kagwema III sont dépourvus de l’eau potable et se tournent vers la rivière Rusizi pour s’approvisionner en eau.”

La rivière Rusizi est un habitat naturel des hippopotames, des crocodiles, etc. En puisant de l’eau à Rusizi, les habitants de Kagwema s’exposent aux dangers mortels. Ces animaux aquatiques peuvent les dévorer d’un moment à l’autre si rien n’est fait séance tenante, indique le chef de secteur. Les crocodiles sont plus dangereux que les hippopotames. Les hippotammes aussi lorsqu’ils ont mis bas. Par le passé, ces animaux  ont déjà blessé voire dévoré les habitants de Kagwema.  Il n’y a pas trois jours, le crocodile a failli dévorer un autre individu, annoncent les habitants de Kagwema.

Comment les burundais vivent la carence d’eau au Nord-Ouest du pays ?

Au Nord-Ouest du pays, en province Bubanza, ils peuvent passer plus de trois jours sans que REGIDESO les approvisionne en eau potable dans presque tout le centre-ville de Bubanza, Admet Nkunzimana Divin. Dans ces conditions, prévient Divin, les gens s’approvisionnent en eau à partir des sources aménagées communément appelées « Rusengo ».

Sources d’eaux amenagées communement appelées « Rusengo »  Credit photo: Arthur BIZIMANA

En carence d’eau, les gens ne respectent pas pour autant le principe selon lequel la priorité est accordée selon l’ordre d’arrivée aux sources aménagées dit « Rusengo ». Ils privilégient la force. Les faibles rentrent les mains vides ou attendent que les jeunes hommes qui usent de la force rentrent pour puiser de l’eau à leur tour. La pénurie d’eau se pose souvent pendant la saison sèche. Pendant la saison de pluie, nous utilisons les eaux de pluie collectées via des systèmes de rétention installés sur les toits, ajoute Marie-Claire.

En commune Gihanga, nous sommes encore en province Bubanza, les habitants vivaient le calvaire en saison sèche avant l’aménagement des eaux souterraines. Nyandwi Jean de Dieu trouve que la Commune Gihanga est comme un désert : « Nous parcourons plusieurs millier de kilomètres pour puiser de l’eau.

Si les familles ne s’étaient pas habituées à transporter les bidons pleins d’eau à vélo, nous aurions migré, estime Jean de Dieu.

Les habitants de Gihanga puisant de l’eau au robinet public ce Mercredi 30 Août 2023. Credit photo: Arthur BIZIMANA

Avant d’ajouter « Nous apprenons à transporter les bidons pleins d’eau à vélo dès les bas âges. Nous puisons cependant ici de l’eau souterraine dit « JOROJIKA ». Toutefois, elle est sale. Elle est mêlée du sable. Nous l’utilisons pour faire la cuisson, la lessive et prendre douche. Pour avoir de l’eau à boire, nous devons l’acheter. » 

Au robinet public, la bousculade règne en maître. Puisent alors de l’eau les forts. Les femmes, les enfants, les vieillards rentrent parfois les mains vides : « nous nous organisons en groupe et renvoie à la bousculade notre ambassadeur fort qui va puiser de l’eau pour le groupe. Pour lui rendre la tâche facile, nous nous alignons derrière lui et lui fournissons nos bidons vides. Ça évite  qu’il perde la ligne et sa place qu’il a gagnée après une concurrence rude. » scande  Nyandwi.

Pourquoi ils s’observent la carence d’eau en Mairie de Bujumbura ?

Lors de la récente émission des portes paroles des institutions publiques à Muramvya le 13 juillet 2023, Léonidas Sindayigaya, porte-parole du ministère de l’Hydraulique, de l’Energie et des mines a annoncé qu’il est impossible qu’il y ait des quartiers qui puissent passer une semaine sans eau.

Il reconnaît que la pénurie d’eau peut avoir lieu, celle due aux pannes techniques. Toutefois, une semaine ne peut pas s’écouler sans eau potable dans un quartier de Bujumbura.

Dr Ir Albert Manigomba, directeur général de la Regideso explique que la production actuelle de l’eau est destinée à desservir les habitants de Bujumbura de 2005. Or, l’urbanisation de la ville de Bujumbura va très vite. Les chefs-lieux de provinces aussi. Au rythme de la croissance de la population qui a doublé en l’espace de 15 ans. Les nouveaux quartiers sont alors obligés de partager la même quantité d’eau avec les anciens quartiers.  D’où la pénurie d’eau dans certains quartiers.

Le changement climatique y est pour quelque chose

L’eau aime tarir en saison sèche, car leur source d’alimentation d’eau diminue en saison sèche et retrouve leur niveau en saison de pluie. Le changement climatique prolonge la saison sèche. Ce qui veut dire plus de jours sans eau suffisante dans nos robinets, explique Eric Maniriho expert en environnement.

Selon le Portail des données de l’organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (faostat), la population utilisant au moins les services d’eau de base au Burundi est passée de 56.5 en 2010 à 62.2% en 2020.

La catégorie montrant le Pourcentage de la population ayant accès à des services d’eau potable gérés en toute sécurité n’est pas alimentée. Ce qui veut dire qu’il n’existe pas au Burundi.

Le paradoxe est que le Burundi, qui dispose d’une abondance d’eau, est la région la plus touchée par l’insécurité hydrique, constate Eric l’expert.

En vue de faciliter l’accès à l’eau potable à la population, l’ONG Amazi water, spécialisée dans le forage d’eau potable, a déjà approvisionné en eau potable environ 25 milles ménages de la Mairie de Bujumbura, annonce Aimable Muhire, Responsable Régional dudit projet.

L’étude «  Stratégie Nationale et Plan d’Actions sur le changement climatique » du ministère de l’environnement fait en commune de Giheta, en province Gitega note cependant que 42% des eaux souterraines seraient infectées de pollutions bactériennes et organiques.

Durant les épisodes de fortes précipitations, il est à craindre les risques de contamination de l’eau dans les puits de forage par le contact des eaux de surface et par conséquent des épidémies de choléra et autres maladies hydriques, lit-on dans cette étude. 

L’insuffisance d’eau potable est en corrélation avec les taux de mortalité extrêmement élevés, c’est-à-dire entre 46 et 108 décès pour 100 000 habitants par an à en croire le rapport Global Water Security 2023 Assessment du Dr Charlotte MacAlister, chercheur à Institute for Water, Environment and Health (UNU-INWEH).   Or, le taux de mortalité s’élevait à 53 pour 1000 en 2021 pour les enfants de moins de 5 ans au Burundi.  

En Septembre 2023, le ministère ayant la santé dans ses attributions a déclaré l’épidémie de choléra dans les provinces Bujumbura Mairie, Bujumbura rural et Cibitoke, situés à l’Ouest du pays, comme le craignaient nos interlocuteurs.  

A en croire le porte-parole du ministère de la Santé publique, Polycarpe Ndayikeza, 22 personnes souffrant de l’épidemie de choléra  sont soignés à l’Hôpital Prince Régent Charles, 3 patients à hôpital de Gatumba dans la province de Bujumbura et 5 autres à Rugombo dans la province de Cibitoke.

 

 

 

 

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